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Pour une linguistique du code source

7 mars 2011, 18:54, par Valentin Villenave

Bonjour,
alors, pour prendre les choses dans l’ordre...

Je ne parle pas de « difficulté » mais d’ambigüité. La notion de progrès technologique est, à mon sens, ambigüe : elle est porteuse d’autant de promesses que de menaces. C’est de cette ambigüité que je parle : on peut subir la technologie et donc se trouver dominé, ou bien on peut se l’approprier de façon à s’émanciper de toute domination.

Cette ambigüité, fondamentale, me semble d’ordre dialectique, d’abord dans un sens philosophique — puisque toute tentative de raisonner sur ce sujet, de penser la technologie et la société qu’elle dessine, passe par un mouvement de balancier entre ces deux aspects — mais également dans un sens matérialiste, puisque chaque acteur qui s’engage dans une des deux démarches (soit la libération soit l’aliénation) le fait toujours dans un contexte de tension vis-à-vis de l’autre (puisque ces deux possibles coexistent en permanence).

Alors après, dans le contexte précis de la notation musicale, cette tension trouve toutes sortes de traductions : interfaces graphiques « opaques » vs notation textuelle « transparente », etc. Je ne sais pas si j’irais jusqu’à dire que LilyPond réalise un « dépassement », ce qui reviendrait à le présenter comme une solution unique et universelle ; étant donné sa flexibilité, il y a mille façons de se servir de LilyPond alors qu’il n’y a qu’une ou deux façons possibles de se servir d’un logiciel graphique... Pour tenter un jeu de mots, on pourrait même, faute de dialectique, dire qu’il existe des dialectes de LilyPond entre les différentes façons de coder des uns et des autres.

Alors, pour revenir au père Saussure, je ne suis pas particulièrement saussurien dans l’âme, mais il est le premier (ou au moins, l’un des premiers) à avoir tenté de poser méthodiquement l’étude du signifiant et du signifié (voire du signe tout court), à avoir tenté de décrire la langue comme autre chose qu’une grammaire, et ce faisant il a ouvert la voie à tout un tas de disciplines (sémiologie, sciences cognitives etc.) aujourd’hui irremplaçables.

Ces approches, pour autant que je sache, n’ont pas encore (ou alors, très peu) été appliquées à la notion de « code source », que l’on estime peut-être réservée aux programmeurs, purement utilitaire et pas du tout expressive ni (encore moins) créative. Or de nos jours même de simples mortels sont amenés à utiliser du code source (par exemple pour éditer un Wiki, pour poster un message avec du BBcode sur un forum ou même pour envoyer un tweet).

LilyPond, qui n’est pas destiné à être utilisé par des programmeurs mais par des musiciens « standard », me semble être un morceau de choix pour s’attaquer à une telle étude : outre les commentaires et annotations, se pose la question de la mise en forme du code (une mesure par ligne de code ? Plus ? Moins ?), de la délimitation des variables (une variable par instrument ? Par mouvement ? par sous-sections ?), des choix syntaxiques (cette mesure se répète quatre fois : vais-je la recopier entièrement, faire un copié-collé, ou encore utiliser un raccourci tel que \repeat unfold 4 { ma mesure } ?) etc. On peut même aller dans des détails plus complexes : la linéarité du code, qui conduit facilement vers une écriture plus « horizontale » que « verticale », l’usage de macros, qui reflète mais aussi façonne le langage musical qu’on utilise (ainsi, j’utilise un raccourci très facile pour les quintolets alors qu’ils sont d’ordinaire relativement rares dans la musique)... Enfin, je me dis qu’il y a des choses intéressantes à dire :)

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