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Clavinova, mon ami

17 janvier 2016, 15:39, par Valentin Villenave

Bonjour Thierry,
vous vous méprenez sur le sens de mon propos. Si quelqu’un mérite d’être méprisé (et, pourquoi pas, insulté), ce sont les prescripteurs au service des industriels — publicitaires, agents médiatiques etc. — qui, habilement, sont parvenus à faire passer des claviers électroniques pour des pianos. De surcroît, ce processus a pu prendre place avec d’autant plus d’efficacité qu’il intervient dans un contexte de dépréciation de la culture savante et de redéfinition des liens familiaux, comme j’ai essayé de l’évoquer dans cet article plus long que je vous invite à lire avant de poursuivre éventuellement cet échange.

Vous évoquez les cuivres en plastique : je pense que la comparaison ne fonctionne pas, car ce sont des instruments dont l’embouchure, le fonctionnement et la prise en main (à l’exception du poids) sont absolument identiques aux « vrais ». Un équivalent dans le domaine du piano serait par exemple le mini-piano Klein : moins large qu’un piano mais doté d’un vrai clavier, pédalier, mécanisme à double-échappement, on reste dans la famille des instruments à cordes et à percussion (là où un clavier électronique ne relève ni de l’une ni de l’autre).

Votre discours lui-même ne me semble pas exempt de présupposés idéologiques. « Des professionnels » -> comment définissez-vous ce mot ? Je ne connais aucun concertiste qui (sauf lors d’opérations publicitaires grassement sponsorisées) donne des récitals sur un clavier électronique. Quand bien même ce serait le cas, être « connu » n’est évidemment pas un gage d’intégrité artistique.

Quant au caractère « anti-pédagogique » qui, selon vous, s’attache à tout « propos négatif », il est certain qu’aucun professeur digne de ce nom ne peut se permettre d’ignorer le contexte de chaque élève (vous ne m’en voudrez pas si je parle de « professeur » et d’« élèves » plutôt que de « formateur » et d’« apprenants ») ; apprendre le piano dans de bonnes conditions nécessite, hélas, d’avoir de l’argent, de la place, du temps et un cadre familial épanouissant. Mais cela ne m’empêche pas de contester le soi-disant avantage d’un clavier électronique dans ce domaine : le gain économique est quasiment nul et l’encombrement (en surface au sol) n’est pas si différent. (Et de fait, j’ai pu constater que la grande majorité des familles de classe moyenne qui décident d’acheter un clavier électronique plutôt qu’un piano, ne le fait pas par nécessité mais par choix.) Reste la différence de volume sonore qui est, elle, bien réelle : mais j’y vois moins une contrainte que le signe de ce que beaucoup de pratiques culturelles quotidiennes deviennent indésirables au sein de notre société (voire au sein des familles, car ce sont parfois les parents eux-même qui incitent leur enfant à « jouer au casque »).

Donc oui, pour toutes ces raisons le Clavinova® demeure, en dernière analyse, un anti-piano. Cela ne veut pas dire qu’il ne puisse pas apporter beaucoup de bonheur à beaucoup de gens (et même, peut-être, à des musiciens claviéristes). Mais en tant que pianiste et professeur, je ne saurais trop le déconseiller à quiconque veut sincèrement découvrir la pratique du piano.

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